Mercredi 21 avril 2021
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La reconnaissance croissante de ce qu’il faut permettre à chacun d’être le plus pleinement « capable », malgré l’âge ou le handicap.
La mission qui nous a été confiée, consistant à proposer une « stratégie nationale pour le
déploiement à grande échelle de l’habitat inclusif », part d’une intuition forte, au carrefour de
trois grands mouvements de société bien établis.
Denis PIVETEAU, Conseiller d’Etat - Jacques WOLFROM, Directeur général du groupe ARCADE-VYV
- la reconnaissance croissante de ce qu’il faut permettre à chacun d’être le plus pleinement
« capable », malgré l’âge ou le handicap. Et la compréhension de ce que la perte
d’autonomie, obstacle sur ce chemin de mise en capacité, est une « situation », c’est-à-dire la confrontation d’une déficience à un environnement de vie inadapté. Le chemin
d’autonomie, et donc de liberté, passe ainsi par la création d’un entourage qui se fait
« soutenant ».
Désir de liberté, grâce à l’environnement de vie.
- le désir du « droit commun » pour tous, de ce que le regard porté sur la personne âgée,
ou vivant avec un handicap, ne la saisisse pas, d’abord, à travers son âge ou son
handicap, mais pour la personne qu’elle est. Et par conséquent, la réticence croissante à
l’idée d’aller demeurer dans des habitats réservés, à l’écart. Pouvoir habiter, à l’égal de
tous, au milieu de tous.
Désir d’égalité, dans l’accès à ces environnements de vie.
- enfin, la montée massive des situations d’isolement et leur cortège de conséquences
psychologiques, sociales et de santé. Tout a été dit sur ses causes : déconstruction de
cercles traditionnels, effets de la décohabitation, appauvrissement des solidarités de
voisinage. Un tissu social porteur de fraternité est à reconstruire. Et les auteurs de ce
rapport ne sont pas loin de penser que l’isolement –la solitude subie – sera peut-être un
jour, en même temps que l’accès au logement et étroitement lié à lui, le « 6
ème risque » de la protection sociale.
Désir d’une fraternité vécue dans l’environnement de vie.
Au regard de ces grands mouvements de fond, l’habitat accompagné, partagé et inséré dans
la vie locale (habitat API, ou habitat inclusif) ne peut être qu’une petite brique. Mais c’est une
brique qui s’insère parfaitement, sur les trois terrains à la fois :
- par la liberté qu’il donne de sortir du dilemme, lorsque la vie chez soi « comme avant »
n’est plus possible et que la vie collective en établissement n’est ni souhaitée ni
nécessaire. Liberté de rester un habitant acteur plutôt qu’un résident accueilli. Liberté
de se sentir encore, dans le cercle où l’on vit, pleinement utile aux autres, porteur et pas
seulement bénéficiaire de solidarité. Liberté, enfin, en prenant appui sur un entourage
sécurisant, de rester en prise citoyenne sur le monde.
- par l’égalité, ensuite, qu’il faudra promouvoir dans l’accès à ces formes d’habitat
accompagné, partagé et inséré dans la vie locale, notamment par la ferme mobilisation
des outils et acteurs du logement social. Les modes de vie résidentiels, bien situés,
entourés de services et permettant de nombreux contacts humains, ne peuvent pas rester
l’apanage de quelques-uns, ou de certains territoires.
- par la fraternité, enfin, dont l’habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale
offre, c’est assez rare pour être remarqué, une traduction concrète. Sans chercher à
peindre des idylles – toute cohabitation exige des efforts – il n’est pas excessif de dire
que ce sont des cercles au sein desquels se fait l’expérience d’une fraternité en actes. Et
plus encore, une fraternité qui peut irriguer son voisinage. Car ce sont, on l’a dit, des
lieux ouverts sur l’extérieur, qui rendent visibles celles et ceux qu’une vie en institution
aurait très vraisemblablement laissés invisibles, ou moins visibles.
Cette adresse aux trois valeurs de la devise républicaine n’a rien d’un effet rhétorique. L’habitat
accompagné, partagé et inséré dans la vie locale met vraiment chacune en valeur, alors pourtant
qu’aucune ne trace un chemin facile.
Le choix d’une vie partagée, pour se soutenir et soutenir d’autres dans leur vie sociale et
citoyenne de personnes vulnérables, est une démarche que ne regrettent pas ceux qui la vivent,
mais qui a son lot d’embûches, de conflits à surmonter, de ténacité nécessaire. Trop d’énergie
se déploie sur le moindre projet pour surmonter le fait qu’il ne tombe, en général, « dans aucune
case » administrative. C’est pour cela qu’il faut appuyer ceux qui s’y engagent, dans l’intérêt
de toute la société. Et le faire avec des instruments opérationnels, qui regardent les réalités en
face.
Ce rapport – on pourra le mesurer à l’austérité technique des pages qui suivent ! – a donc
d’abord pour ambition d’être concret et pratique.
Mais il a aussi celle de s’inscrire, comme on vient de le dire, dans une vision de long terme.
Vision puissamment confirmée – est-il utile d’y insister ? – par la crise sanitaire et économique
de la Covid-19 dont nous n’avons pourtant vécu qu’une première phase.
Ce rapport propose ainsi d’avancer pas à pas, pour être efficace, mais en prenant dès
maintenant des options qui font porter loin le regard.
Car avoir tous, demain, le choix de pouvoir habiter ensemble, cela pourrait, tout simplement,
tout changer.
© Handicap Infos